Le 16 décembre 2024, la loi fondatrice des agences de l’eau fête ses 60 ans. Cette loi novatrice et ambitieuse a constitué un tournant majeur dans l’appréhension des enjeux de l’eau par les pouvoirs publics et a préfiguré une approche par bassin versant devenu depuis un prérequis planétaire.
Elle marque en premier la naissance de la politique de l’eau en France en instituant un périmètre de gestion des ressources en eau déconnecté des limites administratives, qui en fait encore aujourd’hui une politique publique singulière.
Pour célébrer ce 60ème anniversaire, les agences de l’eau proposent de découvrir partout en France, tout au long de l’année 2025, une exposition photos de 19 clichés.

Une exposition anniversaire : "L'eau, source de vies"
"Embarquez pour un périple visuel à travers les sept bassins hydrographiques métropolitains français, où l’eau, source de vies, dessine les territoires. Cette exposition vous est proposée par les agences de l’eau à l’occasion de leurs 60 ans.
Elle invite à découvrir la diversité saisissante de ces paysages et à explorer les récits qui se cachent derrière chaque onde et chaque rivage. Nous avons choisi de vous présenter notre regard sur l’eau suivant trois piliers : la beauté naturelle, la vie humaine et la biodiversité. Ils ont été notre boussole pour réaliser des photographies cohérentes et qui communiquent entre elles.
À travers ces photographies, nous espérons instaurer un dialogue : chaque image est une invitation à réfléchir sur la place de l’eau dans notre monde. Comment coexiste-t-elle avec la vie ? Quel rôle joue-t-elle dans les paysages que nous habitons ou que nous observons ? Nous vous laissons découvrir ce parcours photographique, avec l’espoir que ces images puissent non seulement émerveiller, mais aussi sensibiliser chacun d’entre nous à l’importance de préserver cette ressource vitale."
Benjamin Gremen / Charlotte Moutier / Photographes / Instapades Studio
Retrouvez l'exposition des agences de l'eau dans les villes suivantes :
Paris (75) / Ministère de la Transition écologique du 16/12/2024 au 6/02/2025
Rennes (35) / Palais Saint Georges du 22/01/2025 au 26/02/2025
Douai (62) / Cinéma Majestic à partir du 22/01/2025
Marseille (13) / Chambre de commerce et d'industrie de mi-avril à mi-mai 2025

Dialogue entre la Voie lactée et un lac de montagne
Bassin Adour-Garonne I Pyrénées-Atlantiques (64)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

L’eau, cœur battant de l’industrie, une ressource à économiser
Bassin Adour-Garonne I Landes (40)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Naviguer, observer, écouter : plaisirs au fil de l’eau
Bassin Rhin-Meuse I Meuse (55)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

L’utriculaire commune, espèce protégée, illumine par sa couleur jaune les tourbières alcalines
Bassin Artois-Picardie I Nord (59)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Balade gourmande au cœur des prairies humides, réservoirs d’eau et de biodiversité
Bassin Adour-Garonne I Cantal (15)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Rendez-vous au bord de l’eau sur le pont génois, ce soir à l’heure bleue
Bassin de Corse I Haute-Corse (2B)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Mariage entre un fleuve et une rivière, sanctuaire d’une faune et d’une flore rares et fragiles
Bassin Loire-Bretagne I Cher (18) - Nièvre (58)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Le conchyliculteur est une sentinelle de la qualité des eaux, eaux nourrissantes pour les coquillages
Bassin Loire-Bretagne I Morbihan (56)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Réflexion en pleine tourbière
Bassin Seine-Normandie I Nièvre
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Tant de beauté à préserver, l’Homme en a la responsabilité
Bassin Rhône-Méditerranée I Savoie (73)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Au crépuscule, entre joncs et saules têtards, d’autres espèces entrent en scène
Bassin Rhin-Meuse I Meurthe-et-Moselle (54)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Le cycle de l’eau emprunte les sommets : du ciel à la terre, de la mer au ciel
Bassin Rhône-Méditerranée I Hautes-Alpes (05)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Sobriété et innovation, le défi des industriels pour maîtriser l’utilisation de l’eau dans leurs process
Bassin Artois-Picardie I Pas-de-Calais (62)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Au coeur des herbiers de posidonies, poumons de la Méditerranée, une créature danse au fil des courants
Bassin Rhône-Méditerranée I Var (83)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Quand l’eau et le sable redessinent le paysage au rythme des marées
Bassin Artois-Picardie I Somme (80)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

L’eau en ville : redécouverte d’un cours d’eau entre végétalisation, habitat et balade urbaine
Bassin Seine-Normandie I Val-de-Marne (94)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Forêt alluviale, niche écologique : libre interprétation
Bassin Rhin-Meuse I Bas-Rhin (67)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

S’envoler en toute liberté dans des espaces protégés
Bassin Seine-Normandie I Manche (50)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio

Quand la rivière est libérée de toutes entraves, l’eau redevient source de vies
Bassin Loire-Bretagne I Indre (36)
Benjamin G / Charlotte M : Instapades Studio
Les grandes étapes de la loi sur l'eau
Dans une France encore largement centralisée, la loi de l’eau de 1964 est profondément disruptive en poussant la logique de la gestion par bassin versant jusqu’à la création de 6 agences financières de bassin dotées chacune d’une autonomie financière leur permettant de décliner des programmes d’intervention pluriannuels. Elle institue la création de 6 Comités de bassin, souvent appelés « petits parlements de l’eau », rassemblant des usagers de l’eau, ayant un pouvoir de contrôle sur l’établissement public auquel ils sont adossés. Leur fonctionnement s’appuie sur une gouvernance démocratique dans laquelle l’Etat n’est pas majoritaire. Ce subtil équilibre des pouvoirs fait encore aujourd’hui la force du système des agences de l’eau.
La loi sur l’eau de 1964 porte aussi le concept novateur des redevances « pollueur-payeur » qui constitueront 2 ans plus tard les recettes des agences financières de bassin. Ce dispositif était destiné à répondre à un objectif de traitement des eaux industrielles et domestiques et d’aucun pouvait penser que sa durée de vie serait limitée. Mais la puissance du modèle a conduit à le conforter et lui conférer de nouveaux enjeux écologiques au fur et à mesure où la politique de l’environnement se constituait au niveau national et communautaire. Le caractère très intégrateur de la loi sur l'eau de 1964 peut légitimement amener à conclure qu’elle avait déjà posé les germes de ce qui un peu moins de 30 ans plus tard allait fonder le caractère central de la politique de l’eau, à savoir l’affirmation que l’eau est un patrimoine commun de la Nation.
De 1964 à 2024, la gestion de l’eau intègre toujours plus d’enjeux, jusqu’à la prise en compte récente de la reconquête de la biodiversité et de l’adaptation au changement climatique.
De manière concrète, la loi du 16 décembre 1964 fut un grand progrès pour l’amélioration de la qualité de l’eau, pour l’assainissement des eaux domestiques et industrielles. Celui-ci s’est traduit par des programmes d’investissements assurant la mise aux normes des stations d’épuration, menés depuis le début des années 1990, et qui ont permis de fonder une « filière française de l’eau » constituant encore une référence mondiale. De manière plus générale, les travaux des instances de bassin ont permis à la France d’être toujours à l’avant-garde des politiques environnementales européennes qui se sont constituées à partir de la fin de années 70, avec la parution des premières directives communautaires sectorielles dans le domaine de l’eau, à commencer par la directive sur les eaux destinées à la consommation humaine (1980) qui porte encore aujourd’hui des enjeux épineux de santé publique. Mais ce cloisonnement des approches est vite apparu comme une limite et en cela le travail des instances de bassin a contribué à faire émerger le concept de la planification de la politique de l’eau, qui a été repris en 2022 comme l’approche clef pour organiser l’évolution des politiques publiques en vue de s’adapter au changement climatique.
La loi sur l’eau de 1992 prenant appui sur le cadre d’action de la loi sur l’eau de 1964 a concrétisé ce virage historique en retenant comme principe fondateur une gestion plus intégrée, équilibrée et durable, de ce bien commun de la nation, nécessaire pour garantir les usages et la préservation des milieux aquatiques et de la biodiversité qu’ils abritent. Au passage, la loi requalifie les agences financières de bassin en « agences de l’eau » reconnaissant ainsi la dimension politique et la vocation "ensemblière" des instances de bassin.
Cette loi instaure ainsi un nouveau système de planification globale des ressources en eau largement inspiré des travaux des instances de bassin. Celui-ci se décline par des schémas directeurs d’aménagement de gestion des eaux (SDAGE) dans chaque grand bassin hydrographique et dont l’élaboration est confiée aux Comités de bassin et qui ont une dimension réglementaire nouvelle. Ils sont complétés au niveau local par des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), reposant sur la même démocratie participative des Comités de bassin mais à l’échelle de sous-bassins versants. L’articulation de ces deux outils est extrêmement positive pour la politique de l’eau et une nouvelle fois cet aboutissement de la loi sur l'eau de 1964 va préfigurer une nouvelle conception de la politique communautaire de l’eau. Ainsi, l’Union européenne s’inscrit dans cette dynamique en proposant une harmonisation de la gestion de l’eau dans les pays européens. La directive-cadre sur l’eau (DCE) est adoptée le 23 octobre 2000.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 a achevé la transposition de la directive-cadre européenne de 2000, qui fixe l’objectif ambitieux d’un « bon état des eaux » à l’horizon 2015. Ce principe est novateur à plusieurs titres : prise en compte de l’état d’un cours d’eau d’un point de vue biologique avec des indices relatifs aux poissons, aux plantes, à la microfaune, définition d’objectifs de qualité pour chaque tronçon de cours d’eau avec identification des mesures de restauration les plus appropriées. La planification opérationnelle est ainsi née.
Depuis les années 2000, la législation n’a cessé d’évoluer pour faire face aux nouveaux défis climatiques et à la raréfaction de l’eau et la nécessaire reconquête de la biodiversité, toujours dans l’esprit de la loi sur l'eau de 1964.
Les lois Grenelle de 2010 ont intégré un ensemble de mesures visant à la préservation des espèces, animales ou végétales, et de leurs habitats. Sont bien sûr concernés au premier chef les utilisateurs de l’espace rural, notamment les agriculteurs, avec la mise en place de plans d’actions sur les captages dégradés. A noter également la mise en place des "trames verte et bleue" afin d’assurer (ou de rétablir) les flux d’espèces de faune et de flore sauvages entre des zones considérées comme ayant une haute valeur écologique.
La loi pour la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 reconnait le caractère indissociable des politiques de l’eau et de la biodiversité et va conduire à un élargissement progressif des prérogatives des instances de bassin.
La loi Climat et Résilience de 2021 porte sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets. Une quinzaine d'articles de cette loi ont trait à la protection des eaux contre les pollutions et à l'adaptation des forêts au changement climatique. À ce titre, « les écosystèmes aquatiques et les écosystèmes marins constituent des éléments essentiels du patrimoine de la Nation ». La loi confie également aux Comités de bassin de procéder à "l’identification, au plus tard le 31 décembre 2027, des masses d’eau souterraines et des aquifères qui comprennent des ressources stratégiques pour l’alimentation en eau potable actuelle ou future ainsi que l’identification des mesures de protection instituées pour la préservation de ces ressources. »
Le dernier acte impactant est le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau, dit plan Eau, présenté par le Président de la République le 30 mars 2023. Il a pour objectif de garantir de l’eau pour tous, de qualité et des écosystèmes préservés. Ses 53 mesures visent à répondre à trois enjeux majeurs : sobriété des usages, qualité et disponibilité de la ressource.
Ce plan permet également d’améliorer la réponse face aux sécheresses, qui ont marqué les esprits à l’été 2022. Mais il constitue surtout un des volets de la planification écologique destinée à fixer un cap à l’ensemble des politiques publiques pour s’adapter aux conséquences du changement climatique.
Les instances de bassin en sont le « bras armé ». Ainsi, outre la mise en œuvre des plans d’adaptation au changement climatique élaboré par chacun des Comités de bassin, leur sont confiés la fixation des trajectoires de réduction des prélèvements à horizon de 2030, aussi l’amplification de toutes les mesures initiées en matière de renaturation des villes, de prévention des inondations, de protection préventive des captages d’eau potable, de préservation des zones humides, de gestion patrimoniale des infrastructures d’eau et d’assainissement.
Une nouvelle fois les agences de l’eau se trouvent en avant-garde d’un virage important des politiques publiques, preuve que l’esprit de la loi sur l'eau de 1964 est toujours vivace et porteur de solutions pour une gestion durable et équilibrée des ressources en eau.
D’une part, l’accès à l’eau en qualité et de quantité reste un défi majeur au regard des pressions multiples et de la connaissance qui progresse. D’autre part, la gestion de l’eau est plus que jamais un déterminant en matière d’aménagement du territoire. A la croisée de ces défis s’expriment nécessairement des conflits d’usage, qui ne peuvent se régler qu’en tenant compte des contraintes locales et en s’appuyant sur des plans d’actions pluriannuels.