Les organismes vivant dans l’eau sont des bioindicateurs en puissance

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Entretien avec Philippe Prompt, directeur du laboratoire GREBE

"Tout organisme en contact permanent avec l'eau est un bioindicateur en puissance car il va réagir avec les conditions du milieu. La difficulté réside dans l’association d’une population d'individus à une perturbation.”

Philippe Prompt

interview surveillance des cours d'eau

Vous passez donc continuellement du terrain au labo ?

Oui, nous sommes des hydrobiologistes, nos interventions comportent deux phases bien identifiées et complémentaires : le prélèvement sur le terrain et l’analyse en laboratoire. Plus globalement, notre métier consiste à analyser et comprendre le fonctionnement des milieux aquatiques d’eau douce à l’aide de disciplines telles la physico-chimie des eaux, l’hydrobiologie et l’hydromorphologie. 

Nous travaillons sur l’ensemble du territoire Français, essentiellement sur les compartiments biologiques pris en compte dans le cadre de la Directive Européenne Cadre sur l’eau : le phytoplancton, les diatomées, les macrophytes (plantes aquatiques), les macro-invertébrés qui tapissent le fond des cours d’eau et la faune piscicole. Au plan national nous travaillons à la fois sur tous types de cours d’eau et plans d’eau.

tri de macroinvertébrés
Tri de macroinvertébrés sous loupe grossissante.
mesures in-situ au niveau d'un plan d'eau
Mesures in-situ au niveau d'un plan d'eau.

Dans quel cadre travaillez-vous avec l’agence de l’eau ?

Les missions confiées par l’Agence de l’eau Seine-Normandie ont démarré en 1998 dans le cadre de la mise en place d’un réseau de suivi de la qualité hydrobiologique de grands cours d’eau (Seine, Oise, Marne) car nous disposions d’une certaine expertise dans le cadre de l’échantillonnage de ce type de milieu profond. 

Par la suite, nous avons travaillé sans discontinuité avec l’Agence de l’eau Seine-normandie sur des petits et grands cours d’eau.

Concrètement, pouvez-vous retracer les différentes étapes du prélèvement au laboratoire ?

L’intervention d’un hydrobiologiste comporte deux phases bien identifiées : une phase de prélèvement sur le terrain et une phase de laboratoire. 

Les échantillonnages en cours d’eau s’effectuent à pied ou à partir d’un bateau en fonction du type de cours d’eau, et systématiquement en binôme pour des raisons de sécurité. Les dispositifs de prélèvement sont très divers : filets, racloirs, benne, drague… Les fiches de terrain sont maintenant informatisées. La saisie est réalisée directement sur une tablette afin d’optimiser et de sécuriser le transfert des données. La phase de terrain intervient la plupart du temps en période d’étiage estival (basses eaux). 

Le travail de laboratoire nécessite loupes et microscopes car nous travaillons sur des macro et micro-échantillons. On procède à la détermination des échantillons de flore et de faune (identification des sous-espèces) à l’aide de critères morphologiques (longueur, largeur, nombre de stries…). 

Pour les diatomées par exemple, certaines sont plus sensibles que d’autres aux perturbations des milieux, la présence plus ou moins nombreuse de telle ou telle sous espèces et leurs “déformations” permettra de déceler un désordre dans les milieux. Des “atlas” permettent alors de faire le lien avec les causes possibles. Identifier les causes des perturbations du milieu et les corriger, c’est tout l’enjeu de notre travail.

Quel est l’organisme vivant le plus puissant en terme de bioindication ?

Tout organisme en contact permanent avec l’eau est un bio-indicateur en puissance car il va réagir avec les conditions du milieu. Tout le problème réside d’associé une population d’individus à une perturbation. 

Les invertébrés benthiques, vivant au fond des eaux, ont constitué le premier bioindicateur dont l’utilisation a été généralisée. La structure de leurs peuplements est en effet à la fois révélatrice de la diversité des habitats, et donc de la morphologie du cours d’eau, et également de la qualité des eaux. Ils sont également assez facilement observables et les pécheurs les connaissent bien. L’aspect pédagogique de ce compartiment biologique aisément observable à l’oeil nu est également important, car il est possible de sensibiliser les jeunes et les moins jeunes à la problématique de la dégradation des milieux aquatiques.

Quelle est la motivation finale de votre action ?

Depuis 1984, la sensibilité à la problématique environnementale constitue le moteur de notre activité. Aujourd’hui, nous réalisons environ 1000 prélèvements hydrobiologiques par an, dont 300 au niveau du bassin Seine-Normandie. Notre objectif est de permettre une connaissance plus approfondie de l’état des milieux et de contribuer à l’atteinte du bon état des eaux.

 

Photos © Grebe

perlidae
Perlidae, Perla marginata.
ephemeridae
Ephemeridae, Ephemera Danica.
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