Entretien avec Yvonnick Favreau, co-gérant de la SCOP Hydro Concept.
“Avant de s'intéresser à la qualité de l’eau en elle-même, il est essentiel de comprendre le milieu dans lequel elle est présente afin de restaurer les fonctions naturelles des cours d’eau et des zones humides. Analyser l’habitat physique du cours d’eau et ses évolutions, permet de mieux comprendre l’état des eaux et de mieux protéger la ressource.”
Yvonnick Favreau
Vous parcourez les cours d’eau à pied pour mieux les comprendre ?
Oui, notre métier s’exerce en grande partie les pieds dans l’eau ! Plus clairement, nous sommes spécialisés dans l’analyse des dégradations et des problèmes rencontrés sur les milieux aquatiques, causés principalement par l’homme, ainsi que dans le suivi en continu de la qualité et du bon état des eaux.
Nous étudions les sources des problèmes, afin de proposer des actions pour restaurer les cours d’eau et des zones humides vers des milieux proches de leur état naturel.
Nous sommes une assistance technique aux collectivités, syndicats ou porteurs de projets réalisant des actions de restauration de cours d’eau. Nous travaillons énormément avec les Agences de l’Eau dans le cadre des objectifs de reconquête de la qualité des milieux. Nous sommes mandatés pour de nombreuses missions : surveillance de la faune piscicole en cours d’eau et en plan d’eau, suivis macrophytes (plantes aquatiques), invertébrés aquatiques, poissons, diagnostic hydromorphologique, etc.
Vous pratiquez l’hydromorphologie, de quoi s’agit-il ?
C’est la caractérisation du milieu physique dans lequel circule l’eau. Il s’agit de s’intéresser à l’habitat physique du cours d’eau et des différents processus en jeu, pour déterminer les potentiels dysfonctionnements ou les pertes de fonctionnalités naturelles. Avant de s’intéresser à la qualité de l’eau en elle-même, il est essentiel de comprendre le milieu dans lequel elle est présente. Analyser les hydrosystèmes, tout ce qui compose le milieu aquatique, permet de mieux comprendre l’état actuel des eaux et de mieux protéger la ressource.
L’hydromorphologie s’intéresse ainsi à divers domaines : géographie, géologie, hydraulique, hydrologie, mais aussi à l’historique d’un territoire par ses pratiques et ses usages passés et présents.
Etudier l’hydromorphologie n’est pas considéré comme une surveillance de la qualité des eaux en tant que telle, mais plutôt un outil très précis pour déterminer certaines causes ou pressions sur celle-ci.
L’hydromorphologie étudie les sources des problèmes par l’observation globale, contrairement à la bioindication qui analyse plutôt les conséquences par l’observation du vivant.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Prenons l’exemple d’un cours d’eau qui aujourd’hui ne présente qu’une population de poissons très limitée et qui dans le passé était connu pour être une zone majeure de reproduction de la truite.
Une question se pose : cette baisse est-elle liée à des facteurs externes ponctuels : pollutions, pression de pêche trop forte, …) ou bien les travaux hydrauliques et la modification de l’environnement du cours d’eau ne lui permettent-ils plus de garder des caractéristiques de développement optimal pour cette espèce ?
Une analyse hydromorphologique devient pertinente dans ce cas pour appréhender les dysfonctionnements et leur origine, dans le but de proposer des orientations de gestion visant à les résorber. Le piège serait de réintroduire des poissons ou bien de s’intéresser à des dysfonctionnements locaux sans s’intéresser à la racine du problème, il est primordial de s’attacher à travailler sur les causes et non simplement sur les conséquences.
Comment ça se passe et quelles informations obtenez-vous ?
Pour établir un diagnostic hydromorphologique d’un territoire, pouvant aller de quelques centaines de mètres à plusieurs centaines de km de cours d’eau, nous parcourons les cours d’eau à pieds en observant et relevant tout ce qui peut être perturbé : hauteur des berges, cheminement du cours d’eau, pente, présence d’ouvrages hydrauliques, gabarit du cours d’eau, habitats présents…
Pour 100 km de cours d’eau parcouru, nous faisons en moyenne 4000 observations. Notre collection de photos est très riche !
Le diagnostic prend la forme d’un état des lieux du territoire à un instant T, révélant les désordres présents et leurs causes potentielles. Ces dernières varient selon les cours d’eau, leur contexte et leur taille : le piétinement bovin, le déplacement du lit d’un cours d’eau, la présence d’ouvrages, le cloisonnement urbain…
À partir de ce diagnostic, nous proposons plusieurs scénarios d’actions et une assistance technique aux collectivités, syndicats ou porteurs de projets réalisant des actions de restauration de cours d’eau. Nous cherchons à concrétiser des projets ambitieux tout en restant réalistes afin de s’assurer de la faisabilité et des résultats des actions engagées.
Quelle est la motivation finale de votre action ?
Les employés d’Hydro Concept possèdent tous une véritable sensibilité environnementale qui se traduit par un réel engagement à mener des projets de restauration de cours d’eau.
La plupart sont de réels passionnés des milieux aquatiques, mais tous sont des curieux : sur la faune piscicole, les plantes aquatiques, la faune terrestre, les processus hydromorphologiques…
En plus de 22 années d’existence, notre équipe a expertisé plus de 36 000 km de cours d’eau à pied à l’aide de différentes méthodes d’analyses hydromorphologiques, correspondant à plus de 250 études globales sur le grand ouest de la France.
Nous sommes une structure à taille humaine qui vient de passer il y a deux ans en SCOP : c’est-à-dire que les 12 employés ont racheté l’entreprise à part égale pour faire perdurer notre savoir-faire. Nous voulons œuvrer à notre taille pour le bien commun, sur la protection d’une ressource qui tend à diminuer et à se dégrader, mais tout en y ajoutant des valeurs collectives.
Photos © Hydro Concept